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1 million d’arbres pour la Tanzanie : le reportage de notre mission sur le terrain

Mi-février, une équipe de Reforest’Action s’est rendue en Tanzanie pour réaliser l’audit de notre projet de reforestation. L’objectif de cette mission ? Échanger avec notre partenaire local Friends of Usambara, assurer le suivi des arbres déjà plantés sur le terrain, relever des indicateurs environnementaux, économiques et sociaux, et rencontrer les communautés locales pour continuer à développer au mieux notre projet à leurs côtés.

A la rencontre de notre partenaire sur le terrain

Lushoto. Après la chaleur terrassante des plaines masaï traversées depuis Dar Es Salaam, c’est une bouffée d’air frais qui nous reçoit, au creux d’une vallée verdoyante, à 1200 mètres d’altitude. Caroline, responsable de nos projets internationaux, et moi-même, en charge du reportage sur le terrain, sommes accueillies par l’équipe de notre partenaire local, Friends of Usambara. Cette ONG, fondée à Lushoto, est spécialisée dans la reforestation, le tourisme durable et les programmes d’éducation scolaires à l’environnement - une équipe jeune et généreuse, rodée à la mise en place et au déploiement de programmes de reforestation au cœur des monts Usambara. Depuis leur création en 2008, ils ont déjà planté 22 millions d’arbres. Cet exploit en fait aujourd’hui le principal contributeur à l’effort massif de conservation de la biodiversité végétale et animale de la région.

Les bureaux de notre partenaire Friends of Usambara sont amarrés à l’entrée de la pépinière principale

A l’orée de la pépinière mère qui fournit l’ONG en jeunes plants tout au long de l’année, les 11 membres de Friends of Usambara sont rassemblés pour nous accueillir dans la fraîcheur de leurs bureaux. Chaque jour, pendant la saison des pluies, ils parcourent la réserve de Magamba d’un site de plantation à l’autre, pour coordonner les plantations et repérer de nouvelles zones à reboiser. Protégée par le gouvernement tanzanien depuis mars 2016, cette réserve s’étend sur 9283 hectares, mais les marques de la déforestation sont encore clairement lisibles dans le paysage. En cause, l’expansion des terres agricoles et des pâturages au détriment des forêts, et les coupes liées à la production de charbon de bois et de bois de chauffage.

Ici, l’érosion des sols est un drame pour l’environnement et pour les populations. Sous la pression des eaux de pluie, les sols se délitent et deviennent stériles, créant des glissements de terrain et rendant les cultures impossibles. Les routes sont jalonnées de rochers gigantesques, tombés des montagnes. « C’est pour retenir les sols et empêcher les rochers de tomber que nous plantons à flanc de montagne », nous explique Madawa, le directeur technique du programme de reforestation au sein de Friends of Usambara.

Cette colline porte les marques de l’érosion causée par la déforestation.

Grâce au financement de nos partenaires entreprises et de notre communauté de Reforest’Acteurs, 1 million d’arbres supplémentaires prendront racine cette année au cœur des monts Usambara. Depuis septembre 2019 et l’initiation de notre partenariat, près de 630 000 arbres ont déjà été plantés. Les 370 000 plants restants seront mis en terre d’ici le mois de juillet et la fin de la saison des pluies.


Des pépinières à perte de vue

Après un temps d’échange avec Yassin, le fondateur de l’ONG, c’est Issa que nous suivons à travers les méandres de la pépinière mère. L’air frais du matin bruisse du froissement des ailes des papillons et de l’écoulement du ruisseau qui serpente au sein de la pépinière à ciel ouvert. Un véritable jardin d’Eden s’ouvre à nous, peuplé d’une multitude d’essences d’arbres à 90% d’origine indigène. Erythrina Abycinia, Markhamia Lutea, Podocapus Usambarensis, Cedrela Odorata… Autant d’espèces dont les noms latin et swahili, inscrits sur des panneaux, nous servent de repères dans cet océan de verdure, où nous circulons d’un pont de planche à l’autre, en traversant le ruisseau, au milieu des trompettes des ipomées et des bougainvilliers.

Issa nous explique les différentes techniques employées par Friends of Usambara pour produire les jeunes arbres. L’ONG se fournit en graines auprès de la Tree Seedling Agency, une entité gouvernementale, semées directement au sein des pépinières. Grâce au savoir-faire de l’ONG et des pépiniéristes, le taux de germination est excellent : 95% des graines mises en terre ou semées en tubes sortent de terre. Les plantules n’ont besoin que de 3 à 4 mois pour atteindre un stade de maturité propice à la transplantation. Des jeunes plants sont également récoltés directement dans les forêts environnantes afin d’obtenir la plus grande diversité génétique possible. Ils sont alors mis en tube pendant 6 semaines avant d’être replantés.

Issa et Caroline de Reforest’Action échangent au sujet de l’entretien des plants en pépinières

Chargées dans la remorque d’un pick-up, ces jeunes pousses proviennent directement des forêts de Magamba. Elles trouveront au sein des pépinières les meilleures conditions possibles à leur croissance.

Au milieu des plates-bandes, ou à l’abri d’une toiture en bois contre le soleil d’équateur, des femmes s’occupent de l’arrosage des plants ou de la mise en sachet des plantules. Grâce au travail de 40 personnes, dont une majorité de femmes, les trois pépinières associées au projet produiront à terme 30 millions d’arbres.


Mise en tube des semis, arrosage des plates-bandes… Autant de tâches accomplies au quotidien par les 40 pépiniéristes associés au projet


Former les écoliers à la protection de l’environnement

Après ce bain de verdure, nous continuons la route jusqu’à la Mhelo Primary School, où une micro-pépinière, financée par Reforest’Action, a été installée par notre partenaire. Sous l’égide de leurs professeurs, les écoliers, tous de bleu vêtus, nous attendent au sommet d’un promontoire rocheux, qui surplombe les plaines jusqu’à l’horizon et nous offre une vue époustouflante sur la montagne de Kambé.

Au total, 395 écoliers, répartis au sein de 6 écoles de la région de Lushoto, bénéficient d’une formation technique à la création et à l’entretien d’une pépinière, prodiguée par Friends of Usambara. L’objectif ? Créer de véritables ambassadeurs de la forêt dès le plus jeune âge, en sensibilisant les écoliers à l’importance de la conservation environnementale et aux bénéfices des arbres plantés. Ces micro-pépinières produiront à terme 5000 plants par écoles, soit 30 000 arbres en somme. Les jeunes pousses seront ensuite plantées autour des écoles, ou ramenées chez eux par les enfants afin de prendre racines en agroforesterie dans les champs de leurs parents.

Grâce à l’expertise de Friends of Usambara, les écoliers sont formés à l’entretien d’une pépinière et à la protection des forêts.

Nous expérimentons nos premiers mots de swahili auprès des écoliers, qui nous témoignent leur volonté de planter des milliers d’arbres et d’ouvrir leur propre pépinière lorsqu’ils seront plus grands. Notre visite s’achève au chant d’une ode à la nature entonnée par les enfants, qui célèbrent leurs forêts avec toute la lumière et la couleur du swahili.


Engager les communautés locales grâce à l’agroforesterie

Le lendemain, nous prenons la direction de Malibwi pour découvrir un autre volet de notre projet. Là, dans ce petit village de la région de Lushoto, nous sommes reçus par Janeth et son mari Frank Mlwati. Grâce au financement de Reforest’Action et à la coordination technique de notre partenaire local Friends of Usambara, ils ont pu planter 350 arbres d’essences variées, et notamment de l’avocatier et du tulipier du Nil, au sein de leur champ de maïs.

Cette pratique, nommée agroforesterie, consiste à intégrer des arbres sur des parcelles agricoles afin d’en améliorer la qualité des sols, de limiter leur érosion et d’augmenter les rendements des récoltes, tout en rendant l’agriculture plus durable. Ce système permet aussi de diversifier les produits récoltés et d’améliorer les conditions sociales, économiques et environnementales des agriculteurs. « Un avocatier peut produire jusqu'à 9000 avocats par an », nous explique Issa. « Avant le développement de ce projet, Janeth et Frank ne pouvaient compter que sur la culture d’une seule essence, le maïs. Maintenant, ils disposent d’une solution pour diversifier leurs revenus et protéger leurs cultures. » Une solution précieuse pour ce ménage, dont la récolte de maïs dépend désormais des caprices du changement climatique.

Temps d'échange entre Caroline de Reforest'Action, Madawa de Friends of Usambara et Janeth du village de Malibwi

A l’image de Janeth et Frank, 200 fermiers, répartis au sein de 9 villages de la région de Lushoto, bénéficieront de ce programme. Un total de 82 000 arbres prendront racine cette année en agroforesterie grâce à notre financement.


Reboiser les monts Usambara, l’un des hotspots de la biodiversité mondiale

Dernier volet de notre projet en Tanzanie : la restauration des montagnes, qui ont souffert d’une sévère déforestation au cours des 40 dernières années. Classé comme l’un des 35 hotspots de biodiversité au monde, cet écosystème abrite de nombreuses espèces végétales et animales endémiques, telles que le caméléon à deux cornes des monts Usambara, dont nous avons pu observer le bain de soleil au détour de notre chemin.

Il y a 40 ans, cette plaine était recouverte de forêts. C’est pour préserver ce qu’il reste de ce patrimoine naturel que nous replantons des arbres

Le bain de soleil du caméléon à deux cornes des monts Usambara, l’une des espèces endémiques de la région

Sur les hauteurs du village de Malibwi, 518 000 arbres financés par Reforest’Action prendront racine d’ici la fin de la saison de plantation. Une marche escarpée nous conduit jusqu’aux plantations juchées au sommet de la montagne, où Caroline procède à la mesure du taux de reprise des arbres plantés depuis septembre. Les résultats sont excellents : 95% des plants ont survécu aux six premiers mois post-plantation.

Le lendemain, c’est une véritable fourmillère qui nous attend dans le village de Chambogo. Hommes et femmes sont rassemblés pour décharger les plants venus des pépinières. Les représentants des villages environnants sont également présents. « Les sources en eau qui alimentent nos villages proviennent de ces montagnes », nous indique Omari Kabwe, qui est venu du village voisin de Makose pour prendre part à la plantation du jour. « Si ces efforts de reforestation ne sont pas maintenus, les chances sont grandes que nous subissions de nombreux épisodes de sécheresse, qui conduiront à une insécurité alimentaire croissante pour les villageois ».

Dans le village de Chambogo, les communautés locales préparent les arbres qui vont être plantés sur la montagne.

Autour de nous, les femmes s’apprêtent à gravir la montagne, vêtues d’un pagne et d’une couverture posée sur les épaules, des sandales aux pieds, une bassine chargée de jeunes pousses sur la tête. Nous nous mettons en route avec elles, le long d’un chemin de plus en plus abrupt, parmi les fougères et les graminées.

A nos pieds, la vallée étend ses cultures en terrasse et l’épais feuillage des bananiers sous les nuages d’orage. Les contours des petites maisons en terre rouge et au toit blanc s’amenuisent à mesure que nous prenons de la hauteur. Le sommet nous attend, où les communautés locales ont déjà commencé à planter.

Ici, 370 000 arbres viendront couvrir le versant de la montagne, à plus de 2000 mètres d’altitude. Parmi eux, des ficus, des cèdres acajoux, des chênes soyeux et des tulipiers africains, qui permettront de régénérer les sols et de restaurer le couvert de la forêt qui le peuplait encore il y a quelques dizaines d’années.

C’est un vrai travail d’équipe : les hommes procèdent au dégagement du terrain à la machette et creusent les trous qui recevront les arbres, tandis que les femmes commencent à planter avec une énergie communicative. La plantation dure toute la matinée, sous le ciel changeant des montagnes.

Nous mettons nous aussi la main à la terre et ajoutons notre arbre à l’édifice de cette forêt en devenir, avant de partager des gâteaux au miel avec celles qui sont devenues nos compagnes de travail.

Dans les trois années à venir, les jeunes pousses seront monitorées par notre partenaire Friends of Usambara et les communautés locales, qui s'assureront, ensemble, de leur croissance.


A la découverte des reliques des forêts primaires

C’est dans la forêt de Mazumbai que s’achève notre mission, où nous découvrons une relique des forêts primaires qui peuplaient la région il y a plusieurs centaines d’années. Découverte par un explorateur suisse et protégée grâce à ses efforts joints à ceux de l’université locale de Sokoine, la forêt de Mazumbai, qui s’étend sur 4200 hectares, abrite encore aujourd’hui les très discrets singes Colobus noirs, plusieurs centaines espèces d’oiseaux et une multitude d’essences endémiques d’arbres et de plantes.

Seuls dans la forêt, juste avant la nuit, nous partageons un dernier moment de recueillement face à tant de beauté, attentifs aux murmures des feuilles et à la rumeur des oiseaux, au chant des singes et au bruissement des ruisseaux.

Belle illustration de la synergie entre nos deux équipes, les Friends of Usambara ont revêtu des t-shirts aux couleurs de Reforest’Action

Cette semaine d'audit et d'échanges entre Reforest’Action et Friends of Usambara s’achève ici, au milieu de ces forêts que nous œuvrons, ensemble, à préserver et restaurer.

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