Cette région du Togo se caractérise par ses paysages vallonnés et ses grands plateaux. Entre montagnes et cascades, leurs reliefs situés à 700 mètres d’altitude renferment des cultures variées à fort potentiel. Dans le cadre du suivi du projet, les experts forestiers de Reforest’Action se sont rendus sur le terrain en octobre 2022. Par une chaleur tropicale atteignant jusque 38°C, ils ont sillonné les vallées vertigineuses des préfectures du Kloto, d’Akebou et du Wawa, afin de rencontrer les producteurs impliqués dans la mise en œuvre du projet.
Les mystères du Saman, l’arbre à pluie
Au sein des champs agroforestiers des familles paysannes**, des arbres fertilitaires et forestiers ainsi que des arbres fruitiers** ont pris racine. Près de 22 essences diversifiées permettent ainsi la mise en place d'agroécosystèmes propices à la préservation des sols, à la productivité des terres agricoles mais aussi au développement de revenus complémentaires pour les producteurs et leurs familles.
Parmi ces essences, le "Samanea Saman »,l’un des arbres les plus robustes de cette forêt. Remarquable par sa structure, la circonférence de son tronc et la forme de sa canopée comparables à un parasol peuvent atteindre plus de 500m de diamètre.
La nuit, ou lorsque les nuages s’immiscent pour annoncer un temps pluvieux, les feuilles de l'arbre se replient sur elles-mêmes. Aussi appelées folioles, elles permettent ainsi à l’eau d’atteindre le sol et d’irriguer les racines. Une fois le beau temps revenu, les feuilles effilées se déploient à nouveau et profitent de la lumière. Les rayons du soleil ne percent plus l’épaisse canopée, laissant un sol frais et humide, chargé d'azote pour les autres plantes – des conditions optimales pour que la flore se développe alors sous les houppiers.
Le Saman est devenu l'emblème des producteurs pour ses bénéfices "miraculeux". Dans plusieurs pays comme le Togo, Madagascar ou encore l’Indonésie, il est notamment utilisé comme arbre d’ombrage en agroforesterie au sein des cultures de cacao ou de café.
Au Togo, une agroforesterie basée sur les arbres fertilisants
La forêt représente la ressource principale des communautés locales. Directement affectés par le changement climatique qui impacte leurs terres et leurs cultures, les producteurs locaux prennent conscience de l’urgence de restaurer cet écosystème. Entre parcelles de manioc, de maïs, d'arachides, de café ou bien de cacao, ils contribuent à la réhabilitation de leur environnement par la pratique de l’agroforesterie basée sur les arbres fertilisants. Ainsi, les agroforêts se sont multipliées au sein de 15 villages de la préfecture de Wawa. Des plantations qui laissent entrevoir des arbres majestueux aux diamètres impressionnants.
Reconnus pour leur croissance fulgurante et leur résistance, les arbres d'ombrage et les arbres fertilitaires sélectionnés pour ce projet, tels que le Samanea Saman ou l’Albizia bénéficient aux cultures de rentes, vivrières et maraichères grâce à plusieurs leviers :
- Ils procurent un couvert protecteur pour les plantes agricoles comme le cacao ou le café.
- Véritables fertilisants naturels, ces essences permettent de réduire les coûts liés à l'entretien des parcelles en évitant l’usage d’engrais chimiques.
- Les arbres enracinés au sein de paysages aux pentes vertigineuses contribuent à stabiliser et à contenir l’érosion des sols.
La mesure de la quantité de carbone séquestrée
Notre partenaire, l’AFAP Togo, est une association fortement ancrée dans le paysage local, qui s’appuie sur le maillage territorial. La structure replace les communautés locales au centre du projet et embauche des équipes locales dotées d’une parfaite connaissance du terrain.
Après 20 ans d’existence, l’association se tourne vers la mesure des résultats de leur travail : ils déploient à présent un outil de monitoring et certifient leur expertise grâce à la mesure de la quantité de carbone séquestré par les arbres fertilisants. Ce système permet également d’évaluer la réussite du modèle établi il y a deux décennies dans un contexte de déforestation très élevée. Aujourd’hui, les actions de reboisement portent leurs fruits et les résultats sont probants.
Techniques agroforestières par les arbres fertilitaires
Engagé en faveur d’une production durable, le projet vise à soutenir l’APAF TOGO dans la vulgarisation des techniques agroforestières par les arbres fertilitaires auprès des paysans et paysannes. L’agroforesterie, technique ancestrale conciliant l’arbre et les cultures, s’oppose aux cultures monospécifiques au profit de synergies régénératrices. Elle permet de renforcer les capacités de résilience des populations et de favoriser leur adaptation au changement climatique.
En repartant de l’existant, l’association a analysé les arbres les plus adaptés aux cultures. Ils ont reproduit ce schéma observé dans les parcelles où il a fonctionné et l’ont dupliqué. Aujourd’hui, le projet porte ses fruits. Au titre des activités menées entre février 2022 et octobre 2022, 425 familles paysannes issues de 15 villages de la région des Plateaux Ouest du Togo ont été formées aux différentes techniques agroforestières par les arbres fertilitaires. Avec un objectif initial de 450 000 arbres, le projet a dépassé toutes attentes : il a finalement permis la plantation de700 000 arbres fertilitaires, fruitiers et forestiers sur 687 hectares de champs agroforestiers et 10 hectares de forêts, ainsi que la distribution d’un matériel neuf pour les pépinières.
Les arbres fertilitaires enrichissent, restructurent et restaurent les sols. L’articulation du projet au Togo autour des arbres fertilitaires et de la formation des habitants permet d’apporter une solution naturelle et systémique à la dégradation des sols, en traitant les effets mais également les causes de celle-ci. L’utilisation de ces essences combinée à l’agroforesterie permet d’inverser le processus de dégradation des terres par la pratique de systèmes écologiquement stables et économiquement viables. Une utilisation durable des ressources qui permet d’assurer un équilibre à long terme des sols tropicaux fragiles, de lutter contre la désertification, d’augmenter la productivité et de garantir la sécurité alimentaire sur le long terme.